En 1978, le Québec s’est doté d’un régime public d’assurance automobile qui allait complètement changer les rouages de l’indemnisation suite aux accidents de la route. Ce régime caractéristique du Québec est basé sur un principe de responsabilité sans faute,  communément appelé « no-fault ». Son champ d’application a été maintes fois contesté et commenté¹, et, à chaque fois, les tribunaux ont donné un très large pouvoir au régime public, excluant même la possibilité de poursuivre un intervenant suite à une faute professionnelle².  Quelques exemples frappants seront présentés ici.

Une interprétation large et libérale en toutes circonstances

En 2012, la Cour Suprême a décidé que les dommages découlant de la mort d’une personne causée par la chute d’un arbre sur sa voiture, qui était possiblement stationnaire, tombaient sous le coup de la SAAQ³.  Ce lien a été reconnu puisque la victime utilisait l’automobile comme moyen de transport à ce moment, même si celle-ci était stationnaire. Cette décision est aujourd’hui connue comme étant l’arrêt de principe Productions Pram inc. c. Lemay4, décision qui a retenu une interprétation très large et libérale des termes «d’accident» et «causé par» de la Loi sur l’assurance-automobile (ci-après «la Loi»). Par ailleurs, il a déjà été conclu que les dommages résultant d’un empoisonnement au dioxyde de carbone provenant d’une automobile laissée en marche dans un garage devaient être couverts par la Loi5.

La faute professionnelle ne brise pas le lien de causalité

La Cour Suprême en a rajouté dans un jugement tout récent qu’elle a rendu le 24 mars dernier6.  Lors d’un accident grave, deux personnes se sont retrouvées grièvement blessées, blessures qui ont été aggravées par la suite par l’intervention des policiers et du personnel médical. La Cour suprême a jugé que la faute professionnelle des intervenants ne devait pas venir ouvrir une brèche dans la couverture du régime public de «no-fault».  Même si la faute pouvait être distincte de l’accident, les blessures ont été causées dans le cadre d’un accident de la route, la Loi devant donc s’appliquer en l’espèce. Le juge Wagner a donné une interprétation très large du lien de causalité unissant les dommages à l’accident de la route en expliquant que :

«[…] les termes de la Loi permettent en définitive de conclure que tant qu’il existe un lien plausible, logique et suffisamment étroit entre, d’une part, l’accident automobile et les événements qui s’ensuivent (en l’occurrence la faute d’un tiers) et d’autre part, le préjudice qui en résulte, l’ensemble de ce préjudice sera couvert par la Loi.»

Encore une fois, le mur de la couverture du régime de «no-fault» est complètement étanche et la faute professionnelle ne permet pas à la victime de faire un recours distinct et de tenter de réclamer des sommes plus considérables auprès des fautifs.

 


1Amateurs de véhicule hors route êtes vous couvert par la SAAQ?;
Un cycliste peut-il être indemnisé par la SAAQ en cas d’accident?
2Godbout c. Pagé, 2017 CSC 18.
3Westmount (Ville) c. Rossy, 2012 CSC 30.
41992 CanLII 3306 (QC CA).
5Co. d’assurance Victoria du Canada c. Neveu [1989] R.R.A. 226 (C.A.).
6Godbout c. Pagé, 2017 CSC 18.
7Ibid., par. 49.